Le Chevalier de La Barre
Torturé et décapité à 19 ans pour « ne pas avoir salué une procession ».
Le procès fait apparaître la collusion entre l’évêque et le procureur du roi.

Monument au lieu d’exécution d’Abbeville (sculpteur Raoul Delhomme)

Jean-François de La Barre est né en 1745 à Férolles-en-Brie. Orphelins, pauvres, les deux frères La Barre sont recueillis par leur tante, abbesse de Willancourt. Elle tient salon et reçoit les personnalités de la ville. Les enfants de ces notables sont une petite bande bruyante, chahuteuse et volontiers anticléricale.
Le 9 août 1765, le crucifix de bois qui ornait le Pont-Neuf est tailladé. L’émotion qui soulève les braves gens d’Abbeville est canalisée par Mgr de la Motte, évêque d’Amiens, qui lance un monitoire ordonnant aux fidèles de révéler, au juge séculier, tout ce qu’ils pourraient savoir de l’affaire, sous peine d’excommunication.
Tous les dimanches, les curés haranguent ainsi les paroissiens, la tension monte. Personne n’a rien vu, mais plusieurs se souviennent que de jeunes fêtards n’ont pas salué la procession religieuse lors de la Fête-Dieu dernière. Trois noms reviennent : Gaillard d’Etallonde, Jean-François de La Barre et Moisnel.
Devant la menace, Gaillard d’Etallonde s’enfuit en Hollande. La Barre reste, où pourrait-il aller sans argent ? Et puis, pour le 9 août il a un alibi. Qu’à cela ne tienne, lors qu’on découvre, après perquisition dans sa chambre de l’abbaye, trois livres interdits dont le Dictionnaire Philosophique de Voltaire, voilà le coupable idéal.
L’abbesse de Willancourt fait intervenir ses relations, le chevalier tente l’appel à Paris, rien n’y fait. Le 4 juin 1766, le Parlement de Paris statue sur le crime d’impiété pour les trois compères. Moisnel, âgé de quinze ans est condamné à une amende, d’Etallonde est en fuite, il ne reste plus que le chevalier de La Barre.
Le 1er juillet 1766, après avoir subi à nouveau la question (torturé), le chevalier est décapité et son corps jeté aux flammes avec l’exemplaire saisi du Dictionnaire Philosophique.
Voltaire tenta de le réhabiliter mais n’y parvient pas. Il le fut par la convention le 25 Brumaire AN II (15 novembre 1794).
La statue de Montmartre
La construction de la basilique du Sacré-Coeur, à Montmartre, est un véritable scandale pour les parisiens qui s’étaient révoltés en 1871, lors de la Commune de Paris. Cette basilique est destinée à « sauver la France qui a mérité le châtiment de Dieu par l’encouragement qu’elle a donné à l’esprit révolutionnaire dans le monde ».
En 1897, un comité de libres penseurs demande que soit érigée une statue du chevalier de La Barre sur un terrain communal situé devant le chantier de la basilique infâme. Les démarches aboutissent. La statue, réalisée par le sculpteur Armand Bloch, est inaugurée le 3 septembre 1905.
La date n’est pas innocente. En effet, cette journée qui sera grandiose (25 000 manifestants), précède de Congrès international des Libres Penseurs des 4, 5 et 6 septembre 1905. Les congressistes étaient tous là, de même que de nombreux francs-maçons du Grand Orient de France. Tous sont reçus à la Mairie de Paris (plusieurs conseillers municipaux font partie des organisateurs du congrès et de la manifestation). Paris avait été choisi pour le congrès de 1905 car on savait que la Séparation y serait bientôt votée.
En 1926, par suite d’un aménagement du site, la statue du chevalier qui se trouvait sur le parvis de la basilique, à la vue de tous les pèlerins, est déplacée sur le côté de l’église, square Nadar.
Le 11 octobre 1941, le gouvernement de Vichy promulgue la loi sur l’enlèvement des statues métalliques en vue de leur fonte. Mais ce ne sont pas toutes les statues qui ont cet « honneur », les saints et les saintes, les rois et les reines sont épargnés.
Par contre, les humanistes, les philosophes, les victimes de l’intolérance cléricale y passent : le chevalier de La Barre, Etienne Dolet, Voltaire, Rousseau, Condorcet, Victor Hugo, Diderot, Marat, Gambetta, Fourrier, Lavoisier, Brocat, Maria Deraismes…
Toutefois, le socle d’origine avec les inscriptions « Chevalier de La Barre supplicié à l’âge de 19 ans pour n’avoir pas salué une procession » reste en place, square Nadar.
Depuis 1905, la statue du chevalier de La Barre a toujours été un lieu de rassemblement laïque. Tous les mouvements progressistes, humanistes et laïques s’y retrouvaient : le Grand Orient de France, le Droit Humain, la Libre Pensée, le Ligue des Droits de l’Homme, la Ligue de l’Enseignement, les anciens partis de gauche, les syndicats, les patronages laïques…
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