Si nous sommes sincères, il faut bien avouer que nous ignorons notre raison d’être sur Terre. La solution à l’énigme de l’univers et de la vie nous est cachée. Est-ce une raison pour désespérer ? Bien au contraire, on peut prendre appui sur cette incertitude. Socrate avec son « Je sais que je ne sais rien », Montaigne avec son « Que sais-je ? » nous ont montré le chemin. En suivant les enseignements des Sceptiques de l’Antiquité, ces philosophes injustement méconnus, j’ai cherché à élaborer une philosophie morale adaptée à notre temps. Elle tient en quatre préceptes, dont l’explication complète occupe l’ensemble de cet ouvrage : « Ne perds pas ta vie à poursuivre un but illusoire ; ne choisis jamais ; obéis toujours à ton désir le plus grand ; admire aussi souvent que tu le peux les apparences de ce monde. »
par Alexandre Lacroix
Préface de l’auteur
Cet essai explore des questions qui relèvent de ce qu’on appelle la philosophie première, comme : La vie a-t-elle un sens ? ou : Comment conduire son existence ? C’est pourquoi l’actualité ou la politique n’y sont pas abordées.
A sa publication, en octobre 2014, plusieurs amis qui comptaient parmi les premiers lecteurs m’ont fait des objections de vive voix en me considérant d’un air compatissant. « Tu n’es pas sérieux, j’espère ! Tu blagues. Tu penses vraiment qu’il est possible de ne croire en rien ? Tu n’exagères pas un peu ? Tu te fiches de nous ? Regarde autour de toi : les gens sont démolis à force d’être privés de repères, de n’avoir rien ni personne en qui croire, et toi tu leur conseilles de s’injecter des doses de doute supplémentaires ? ». J’ai fait comme ils m’ont dit. J’ai regardé autour de moi.
Trois mois plus tard, jour pour jour, les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, du 7 au 9 janvier 2015, ont provoqué un changement d’ère. De façon éclatante, l’actualité nous mettait sous le nez le caractère prodigieusement néfaste de la croyance poussée jusqu’au fanatisme. Qui est démoli ? Qui va mal, au juste ? Les gens qui doutent, qui vacillent, qui ne combattent pour aucune cause faute d’en avoir épousé ? Ou ceux qui sont prêts à tuer au nom de leur foi ? Ceux qui se persuadent qu’un livre contient la vérité, ou ceux qui considèrent qu’il n’y a nulle part de vérité absolue à glaner ?
Dans cet essai, il ne sera pas question de politique ni d’actualité, donc, néanmoins il me paraît essentiel et nécessaire d’expliquer la richesse de la proposition sceptique — aujourd’hui. J’ajoute une remarque latérale : contrairement à ce que laissent peut-être supposer les lignes qui précèdent, je ne plaide pas spécialement pour l’athéisme. Certains auront peut-être remarqué que nous ne vivons plus sous la Troisième République. Le projet de séparation des Eglises et de l’Etat n’agite plus les dîners de famille. Les curés en aube noire ne règnent plus sur les communautés villageoises. Le match décisif de notre époque ne se joue pas entre les croyants et les athées, mais entre les dogmatiques et les sceptiques.
Certains athées sont des dogmatiques, comme c’est le cas des marxistes orthodoxes ou des scientistes. Ils sont redoutables. Inversement, certains croyants sont sceptiques, à l’instar d’un Blaise Pascal ou d’un Soren Kierkegaard, dont la foi est sans cesse retravaillée par le doute. Ils sont fréquentables.
Un être humain armé de quelques mots d’ordre auxquels il adhère sans distance est à la fois fou et dangereux. C’est pourquoi, avec le recul, je maintiens ma position, et réponds à mes amis — qu’ils soient remerciés pour leur sollicitude — que je ne souhaite rien retrancher aux propos qui vont suivre.